mardi 29 décembre 2015

Comment recontrer Dieu ?



Comment s'unir à Dieu et se laisser guider par lui ?
Madame Guyon, répond ici en quelques vers, en reprenant une célèbre définition de Dieu que l'on trouve, à l'origine, dans le Livre des XXIV philosophes, puis passée par divers auteurs jusqu'à Pascal. Où l'on voit que ceux qui prêchaient l'oubli de tout et l'abandon dans l'instant présent n'en avaient pas moins une vaste culture et un goût pour les lettres et les choses bien dites :

"Immense Dieu, grande Nature,
Qu'afin de pouvoir rencontrer
Il ne faut ni sortir ni entrer
Au sein d'aucune créature,
Qui est de soi, qui chez soi vit,
Qu'un épais brouillard nous ravit,
Être d'une immuable essence,
Cercle sans principe et sans bout,
Qui n'a point de circonférence,
Son centre se trouvant partout."

Extrait d'une lettre au baron de Metternich, vers 1710

mardi 22 décembre 2015

L'exercice du silence

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Cet exercice de silence se doit faire à l'exemple de celui de Dieu, qui n'a qu'une seule parole bien simple, spirituelle et sans bruit...

Cela se fait par une seule et simple vue ou souvenir de Dieu, qui tombe doucement dans le fond de l'esprit, et de l'esprit, encore plus doucement et plus amoureusement en Dieu, et ce avec une vive foi et une douceur indicible.

Attachez-vous y donc sans étude, et vous efforcez sans force, de faire cette heureuse chute de votre souvenir en Dieu le plus souvent, paisiblement, simplement, amoureusement, gaiement et librement qu'il vous sera possible, sans aucun bandement d'esprit, ne regardant pas cet exercice comme une tâche qu'il vous faut faire, mais comme une récréation sainte et libre, et dont la discontinuation vous est indifférente, quoique involontaire, faisant tout votre possible pour la continuer sans empressement ni attache, laissant à Dieu de vous conduire pour aller et venir comme il Lui plaira.

Martial d'Etampes, L'Exercice du silence, 1639

La prière infuse

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La prière n'est pas une vulgaire vibration sonore qui irait invoquer tel ou tel ange, n'en déplaise. 
La prière est un acte de conscience de soi, une reconnaissance de Dieu en soi. 
La prière n'est pas une suite de syllabes ou de sons, mais une plongée en soi. 
La prière ne peut être énoncé avec la bouche, elle s'énonce de lui-même à l'orée de chacun de nos gestes, de nos paroles, de nos respirations. 
Nul ne peut la faire taire, mais chacun peut la reconnaître, se mettre à son écoute, se couler dans son flot.
Elle est "je suis", "je suis celui qui est", "je suis l'être", mais sans ces mots.
Elle est le Nom que nul ne peut dire sans mourir et renaître.
Quel est son fruit ? Tout.

Comme dit l'aveugle de Marseille :

"Quand l'âme contemplative, élevée par un mouvement de la grâce, se représente Dieu en lui-même, sans aucune notion expresse ou distincte, elle dit ce souverain nom ["je suis"] sans le dire, d'autant qu'elle entend regarder Dieu parfait, infini et séparé de toute image créée, ce qui ne peut se faire que par cette notion universelle de l'Être des êtres."

Mais n'est-ce pas un peu sec, froid ? Non car :

"En peu de temps ce n'est plus une notion [=une connaissance] mais un goût [=un ressenti], ni une pensée mais une expérience, ni un terme significatif mais un sentiment assouvissant, une lumière vivifiante et une connaissance toute effective et affective - et non pas sèche et scholastique, comme beaucoup de gens se la figurent."

Françoais Malaval, La belle ténèbre, 1670, p. 178

lundi 21 décembre 2015

Dieu au-delà de l'être

Clouds, light rays.

"Dites-moi, mon Époux,
ai-je mal parlé et mal pensé
quand je vous ai montré et fait comprendre
que je ne dois pas échapper à cette situation
de ne rien pouvoir exprimer de votre amour ?

En effet, la jouissance et la possession
que nous y prenons l'un et l'autre sont au-delà de toute explication,
car cela se passe en une vision et un repos
infiniment indicibles.
Elles ne peuvent être exprimées
par quelques idées représentatives,
élaborées ou infuses,
qui ne pourraient être qu'à une infinie distance
de ce qu'est notre union.

A quoi sert-il d'exprimer les choses-qui-sont
par les choses-qui-ne-sont-pas,
ou, pareillement, d'exprimer celles qui-ne-sont-pas
par celles-qui-sont ?

Car, dites-moi, ma Vie et mon Amour,
où est la vérité de tout ce qui se rapporte
à l'Objet qui me ravit de lui et en lui,
dans la plénitude de ce qu'il est,
plénitude dont je me sens déborder
plus abondamment qu'on ne peut le penser ?

Où est-elle cette vérité,
sinon en vous, qui êtes au-delà de l'être,
en l'éminence de l'être et en l'éminence du non-être,
en l'être et au-delà de l'être,
connu pa la voie de la suréminente négation."

Jean de Saint-Samson, Epithalame, 15

jeudi 17 décembre 2015

Les deux sortes d'oraison, suite

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Il y a deux approches de la vie intérieure : 
- celle de l'abstraction, qui veut faire le vide par un effort volontaire ou par le biais d'une certitude métaphysique (du genre "Dieu est tout", "Tout est un"), sans autre appui que le mental ou le corps ; 
- et celle de l'amour, qui se laisse guider par Dieu, par la Déesse ou quelque soit le nom qu'on lui donne.

Madame Guyon l'explique ainsi :

"Par cette voie [de l'amour], l'âme trouve en peu [de temps] son centre, ce qui n'arrive pas par la simple abstraction de l'esprit ; car quoique l'âme y ait une certaine paix qui vient de l'abstraction des objets multipliés, cette paix n'est ni savoureuse ni si profonde que par la voie de la volonté."

"Volonté" ne désigne pas ici la faculté de faire des efforts. Bien au contraire, dans la langue classique, la volonté est la faculté d'aimer, par opposition à l'entendement, qui est la faculté de connaître. Les deux méditations sont donc la méditation de la connaissance (la voie non-duelle telle qu'envisagée la plupart du temps) et la méditation de l'amour, la voie mystique.

"De plus, l'homme faisant lui-même par effort cette abstraction, il en est le principe et par conséquent l'agent, en sorte que Dieu n'est ni principe de son oraison, ni son moteur. Il n'en est pas ainsi de celle qui se fait par le recueillement intérieur où la volonté commande et attire les autres puissances. L'amour sacré s'empare de la volonté de l'homme, devient son principe, son moteur, son agent. L'âme devient passive par ce moyen et la volonté perdant peu à peu toute force active, sent qu'une autre volonté, qui est celle de Dieu, prend insensiblement la place de la sienne, de sorte qu'enfin elle n'en trouve. Ses désirs aussi s'amortissent insensiblement jusqu'à ce qu'ils s'écoulent en la volonté de Dieu. 
Ne nous trompons point, on ne se perd en Dieu que par la volonté ; et c'est cet écoulement de la volonté en Dieu, l'esprit étant simplifié par la foi et ne retenant nul objet ni pensée volontaire, qui fait cette extase permanente qui est le passage de la volonté en Dieu. C'est l'abstraction de la volonté qui est essentielle car n'étant plus retenue par rien, elle retourne en son principe, entraînant avec elle l'esprit, dont elle est supérieure. Tout autre voie, quelque sublime qu'elle paraisse, arrête l'âme, et ne la perd jamais dans son principe originel... Si par impossible, l'esprit était désapproprié sans que la volonté le fut, la volonté lui communiquerait plutôt sa propriété qu'il ne lui communiquerait sa désappropriation."

Madame Guyon, Discours spirituels..., tome I, 43

Cette dernière phrase est d'une grande portée : la "propriété", c'est ce que l'on appellerait aujourd'hui l'ego. Si donc le mental est sans ego, l'ego demeure tant qu'il n'est pas dissout au niveau affectif, au niveau de la volonté. Et cela, seul l'amour divin peut le faire. Se désidentifier du mental ne suffit pas. Voir ne suffit pas. Il faut aimer. Tout éveil cognitif, au non jugements, à l'absence de pensée, etc. sera récupéré par l'ego tant que l'ego demeure au plan affectif ou, disons, subconscient. C'est la voie de Shiva dans le shivaïsme du Cachemire, ou voie de la volonté, de l'élan d'amour pur. On se laisse prendre par lui et lui fait tout ce qui doit l'être, comme il faut. 

Pour autant, je ne serai pas aussi radical que Madame Guyon. L'amour et la connaissance, la volonté et l'entendement, ne sont que deux faces du même absolu. L'éveil purement cognitif peut mener spontanément à l'amour. Dans les milieux "non-duels", un exemple authentique de la voie de l'amour, où l'on se laisse prendre plutôt que l'inverse, est Yolande. Mais il y en a sûrement d'autres. 
Quoi qu'il en soit, la vie intérieur doit passer par l'amour. Sans cela, tout silence demeure stérile ou bien se trouvé récupéré par l'ego, comme on en voit tant d'exemple dans les milieux spirituels, et d'abord en soi-même.   

lundi 14 décembre 2015

Les deux sortes d'oraison

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Tout le monde, ou presque, s'accorde à reconnaître que la méditation est un regard simple sur ce qui est - sur Dieu : sans images ni pensées articulées.
Mais ce que peu reconnaissent, c'est qu'il existe deux sortes de méditation ainsi entendue : - d'une part, la méditation qui prend l'absence de pensée, ou le silence intérieur, comme moyen ; - et, d'autre part, la méditation qui prend l'amour comme moyen. 
Dans le passage suivant, Madame Guyon, une mystique du XVIIè, précise cette distinction vitale :

"Il y a deux sortes de simples regards [=de méditation], l'un bon et l'autre dangereux.

Le dangereux est de s'abstraire de toutes sortes d'objets sans en avoir aucun [=de faire le vide], et cela activement [=grâce à une technique], en sorte que, quoique l'âme ne soit pas intérieure ou très peu, étant encore dans l'activité [=vivant encore sous la croyance qu'elle peut vivre et agir séparément de Dieu], elle s'abstrait à la manière des philosophes de tous les objets, fantômes, imaginations qui empêchent une certaine recherche naturelle [=dans les limites du mental] de la vérité."

En effet, l'imagination et les sensations font obstacle à la vision de la vérité. Par exemple, pour faire des mathématiques, il faut être capable de se concentrer et de mettre de côté les images. De même, pour faire de la science, il faut savoir mettre de côté ses croyances naïves (nos "intuitions") pour commencer à penser. Et aussi en métaphysique. Or, c'est exactement ce que font, par exemple, les adeptes de la non-dualité de nos jours : ils font abstraction de leurs croyances, de leurs sensations, etc., pour déboucher sur un état de vide, un état sans jugement, pris pour l'état "ultime". Mais en réalité, ce n'est qu'un état mental, mondain, "naturel", une sorte d'état créé artificiellement en repoussant tous les états. Et surtout, même si l'on y goûte une certaine paix, elle reste basée sur l'idée que l'on peut agir séparément de Dieu, même si l'on affirme alors que "je n'existe pas" ou que "la personne est une illusion". Tout cela reste dans le champ de la nature, de cette manière d'être où l'homme s'est détourné de Dieu. Voilà pourquoi ce genre de démarche est stérile. Et même la paix y est récupérée par l'ego, comme le dira Madame Guyon dans la suite de ce passage.
Mais poursuivons sa lecture :

"Ceux qui se sont abstrait de la sorte on eu à la vérité quelque connaissance d'une Être Souverain [ou quelque soit le nom qu'on lui donne : vacuité, Soi, conscience...] supérieur à tout autre, et cela par une tension surprenante [=un effort de concentration ] de leur esprit et une abstraction de tout le reste. Ce n'est point là un état d'oraison [=de méditation].

Il existe une autre sorte de méditation, où l'on reste sans pensées, dans un état de pure présence de pure conscience :

"Il y a un autre simple regard, qui envisage Dieu tel qu'il est, s'abstrayant avec effort de tout le reste pour tendre plus purement à ce pur et sublime objet. Cet état est bon, mais ce n'est ni le meilleur, ni le plus court pour arriver à Dieu."

C'est l'état atteint par les adeptes de la non-dualité dans ses divers variantes. Cela est beau et bon. Mais ce n'est pas le meilleur.

Mais alors, qu'est-ce que la meilleure méditation, le meilleur état ?

"Le meilleur de tous les états est de recueillir au-dedans l'esprit par le moyen de la volonté amoureuse de son Dieu, qui rassemble autour d'elle les puissances [=les énergies du corps et de l'esprit] et semble se les réunir.

C'est une contemplation amoureuse qui n'envisage rien de distinct en Dieu, mais qui l'aime d'autant plus que l'esprit s'abîme dans une foi implicite [=un amour non exprimé en mots ou pensées articulées], non par l'effort, ni par contention d'esprit [=concentration], mais par amour. On ne fait nul effort d'esprit pour s'abstraire, mais l'âme s'enfonçant de plus en plus dans l'amour, accoutume l'esprit à laisser tomber toutes les pensées, non par l'effort ou raisonnement, mais cessant de les retenir, elles tombent d'elles-mêmes."

La clé est l'amour.
Sans amour, rien d'authentique ne se passe, même si l'on atteint un état sans pensées, même si l'on acquière une certitude simple d'être l'ultime, le vide ou la conscience, même si l'on croit réaliser l'absolu. Tout cela reste stérile, et tourne mal dès que les circonstances s'y prêtent. Ou bien même,  cette "non-dualité" elle-même devient vide, absurde. On a l'impression d'être épuisé, que rien n'a de goût. Mais le symptôme le plus décisif reste que l'ego y demeure tel quel. Dans cette voie, tout revient finalement à l'ego : la paix, la clarté, le confort du corps, les capacités mentales, et même l'amour, tout est récupéré tôt ou tard. D'où des désillusions et des dérives comme on en voit tant. On peut bien dire que l'on existe plus, se complaire dans un vide factice, raconter qu'on est dans l'indicible, l'amour inconditionnel, la liberté, ou même se livrer à des exercices de privation, d'auto-humiliation, rien n'y fait. Comme dans une sorte de cauchemar, tout revient à l'ego. Tout progrès semble illusoire.

Mais si l'on s'ouvre à l'amour :

"Alors l'âme prend la véritable voie qui est le recueillement intime, où elle trouve la présence de Dieu et un concours merveilleux de sa bonté qui lui fait tomber insensiblement toute multiplicité, tout acte, toute parole, et met l'âme dans un silence goûté."

(Madame Guyon, Discours..., tome I, 46)

La différence entre les deux méditation se ramène à ceci : dans la voie de l'ego, on pratique pour atteindre Dieu - même si l'on prétend être dans le non-agir etc. Dans la voie de l'amour, on se laisse faire. Comme c'est Dieu qui fait, c'est bien fait. Voilà tout.

La différence est d'expérience : dans la première méditation, on a une certain repos. Mais insipide en comparaison de ce que l'amour fait goûter. En fait, c'est seulement l'expérience de l'amour qui nous fait prendre conscience de la vanité des autres voies. Cette approche est la vie. On réalise aussi sa simplicité, accessible à tous. Bref. Il y aurait tant à développer. Mais que chacun goûte, maintenant, par soi-même. Juste se laisser prendre. Infini. 
Dans le prochain billet, nous verrons pourquoi cette voie est "savoureuse".


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jeudi 10 décembre 2015

Du cosmos au coeur

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La contemplation ou oraison du cœur à partir de la contemplation du cosmos, présenté en quelques lignes par un aveugle parisien du Grand Siècle :

"Dieu éternel et infini
ayant résolu de toute éternité
de sortir de soi,
sans sortir de soi,
a produit par cet écoulement
et par cette seconde sortie,
une infinité d'effets,
en la bonté et en l'amour de soi-même
et de son incompréhensible excellence,
créant selon ses divines et éternelles idées,
tout ce grand monde,
tant visible et inférieur,
que supérieur et invisible.
C'est cet univers qui manifeste évidemment l'incompréhensible bonté,
amour et perfection de son auteur,
de son origine et de son principe,
spécialement les anges et les hommes,
qui accomplissent et perfectionnent cet ouvrage,
ou pour mieux dire,
qui en font l'accomplissement et la perfection.
Car si tout ce qui est du monde inférieur est si admirable
qu'il montre évidemment par ses propriétés visibles et par ses effets
l'excellence de son auteur,
combien le même créateur de ce grand tout
s'est-il montré plus admirable dans ces invisibles substances
et dans leur existence, conservation et perfection,
dans l'état de grâce et de nature ?
Ce sentiment une fois présupposé,
il est facile d'admirer par amour profond,
voire excessivement profond,
l'amour et la bonté de l'amour et de la bonté même,
en sa propre source,
qui Dieu éternel et infini."

Jean de Saint Samson, Les contemplations et les divins soliloques, 1654, p. 455

Qu'est-ce que l'oraison de silence ?

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Sur l'oraison de silence :


"C'est donc une oraison, mais une oraison de silence.
La langue ne sait que dire de lui, il est ineffable.
L'esprit ne sait que penser, il est incompréhensible. La volonté ne sait que vouloir ni que désirer, il est infiniment aimable.
La mémoire n'ose se ressouvenir de rien, en se ressouvenant de celui qui est tout.
Pourquoi aussi feindre en l'imagination des images de piété ?
L'âme goûte et possède sensiblement la vérité.
Ce silence qui se fait avec grâce et avec attrait est suivi d'un grand repos.
Car contempler ce n'est pas simplement cesser d'agir, c'est se reposer en Dieu et concentrer dans ce repos toutes ses actions."



François Malaval, La belle ténèbre, 1670

mercredi 9 décembre 2015

Que puis-je dire ?


Que puis-je faire
et que puis-je dire,
puisque vous êtes tout entier
dans ma propre chair ?
N'est-ce pas tout dire ?
Oui, puisque c'est être tout.

...

Que reste t-il à dire et à penser de cela,
puisque nous sommes tous deux en notre centre et repos ?
On a beau parler sur ce sujet,
je sais la différence avec la réalité elle-même.

...

Et vous étonnerez-vous
si, dans l'élan de mon amour ardent,
je vous embrasse tout nu,
tout divin en votre divinité
et tout divin en votre humanité,
vous qui n'êtes et qui n'avez pour votre gloire et votre félicité
qu'un seul et unique moi personnel divin et humain,
en votre divinité et en votre humanité.

Jean de Saint-Samson, Epithalame (Dialogues entre l'épouse et l'époux), vers 1620

mardi 8 décembre 2015

Une fois touché, nul retour

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La découverte du centre divin au centre de soi n'est pas comme les autres expériences. Il est vrai qu'elle peut sembler s'affaiblir, quitter le champs de la conscience ou être emportée par les circonstances adverses. Mais, en vérité, une fois touché, il n'y a plus de retour possible. Tout l'être est converti, même s'il n'en a pas une conscience immédiate. Cette réorientation est un acte pour toujours, comme l'affirme l'aveugle de Paris (et non de Marseille, cette fois !) dans ce passage :

"En admettant maintenant que l'on ne soit pas encore très avancé vers cet abîme infini [de Dieu], pas même de très loin à côté de ce que sera l'abandon total du sujet en lui, cela ne change rien.
En effet, dès que le fond est ouverts de quelque façon par les irradiations répétées de Dieu ou moins efficaces et fortes, l'appétit est épris du désir éternel de suivre dans tous les événements intérieurs et extérieurs, ce qu'il voit et sent l'attirer à soi. Le cœur en ayant été plus ou moins fortement touché, il suivra toujours par nécessité cette inclination amoureuse ; de telle sorte que lorsqu'il se trouvera grandement avancé en cet état, il semble que l'homme ne pourra pas se déprendre de son objet divin qui l'attire plus ou moins sensiblement et fortement à lui, et même qui l'attire et le ravit secrètement à soi par les actes subtils de l'habitude excellente qu'il aura acquise jusque-là."

Jean-de Saint-Samson, La pratique essentielle de l'amour, vers 1630

vendredi 4 décembre 2015

Contre un Dieu sans mystique

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Il y a les mystiques sans Dieu. Mais il y a aussi ceux qui veulent avoir Dieu sans mystique, sans mystère, sans être ravis et réduis à l'état de mutisme par cette muette musique. Ils s'attachent à une religion toute extérieure, toute en images et sans contemplation silencieuse. Selon eux, Dieu est inconnaissable, et cette inconnaissance doit nous laisser sans contact direct avec Dieu. Il faudrait alors se contenter des œuvres, comme d'une morale sans conscience, comme d'un corps sans âme. L'aveugle de Marseille leur répond :

"Chose étrange, on veut me faire croire que je ne vois pas le soleil parce qu'il y en a qui ne le voient point. On me dit que ma contemplation est une chimère parce qu'on ne peut la concevoir sans images. Et, ce qui est plus admirable, c'est que jouissant d'une grande paix et d'une profonde tranquillité, comme je les assure, on entreprend de me persuader qu'il n'est point vrai que je sois dans ce repos, et que, si je veux l'acquérir, il me faut toujours méditer, toujours penser et toujours agir."

François Malaval, La Belle ténèbre, p. 176

Ici, "méditer" veut dire se représenter des images, par exemple des scènes de la vie de Jésus ou bien évoquer des attributs de Dieu comme sa bonté ou sa simplicité. La contemplation, elle, consiste à se mettre en présence de Dieu, sans images ni discours, sauf éventuellement quelques paroles pour se lancer.

Se tenir ferme en notre néant

Tout notre être est Dieu. Et donc, dans la conscience de cette dépendance totale,  il n'y a pas à se soucier des dons ou de leur a...